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Nouveau livre de Pierre-Olivier Monteil : Reprendre Confiance, Philosophie d'urgence pour société en crise. | Philosophie et Management

Nouveau livre de Pierre-Olivier Monteil : Reprendre Confiance, Philosophie d'urgence pour société en crise.

  12.11.2014   |     monteil
   Nouvelles - Publications


« Aie confiance », dit le serpent Kaa qui fait rire les enfants. Mais la confiance se trouve en ruine depuis la crise financière. À défaut de cet indispensable liant, la société se délite gravement dans trois secteurs clés de la cohésion sociale : l’économie, le politique et l’identité nationale. « La confiance peut puiser à deux sources : notre propre expérience du passé et la confiance que d’autres nous témoignent, nous explique Pierre-Olivier Monteil. Pas plus qu’elle ne se décrète, la confiance ne se dicte, fût-ce par les plus subtiles des stratégies de la communication politique. Elle ne peut que résulter d’un climat, qui procède lui-même d’une manière d’agir. Ce n’est pas l’affaire d’une tactique, encore moins d’un grand soir, mais d’une méthode qui conduirait à passer l’une après l’autre les réformes envisagées au tamis des conditions de la confiance, qu’on se propose de spécifier ici. »Dans ce court essai, un philosophe interroge l’actualité de la confiance, et propose ses pistes pour repousser l’ambiance destructrice du désenchantement.

 

Pierre-Olivier Monteil, (1959) philosophe, est spécialiste reconnu de la pensée de Paul Ricoeur.  Il enseigne à  l’université Paris-Dauphine en éthique et managment. Il a publié notamment Ricoeur Politique (Presses Universitaires de Rennes, 2013).

 

Résumé par l’auteur:

 

Reprendre confiance

 

Ces temps-ci, les Français sont d’humeur morose et pessimiste. Brouillé avec ce sentiment familier qu’est l’estime de soi, l’Hexagone semble avoir plongé dans une durable déprime. La confiance y est au plus bas.

Un tel constat est aujourd’hui largement partagé. Il pâtit cependant d’un lourd quiproquo quant aux remèdes et aux sources du mal. Le souci de stimuler la reprise économique en fournit un exemple. Car, si favoriser la croissance requiert, pour une bonne part, de redonner confiance en l’échange et en l’avenir, experts et politiques s’y attachent en multipliant les arguments objectifs : chiffres, indicateurs, classements… Comme si, avant d’être une affaire de raisonnement, la confiance n’était pas d’abord l’expression d’une humeur. Comme si les conditions de la croissance économique n’étaient pas d’abord d’ordre extra-économique.

 

Tout se passe comme si les acteurs s’attachaient à rendre l’avenir plus lisible pour nous inciter à prendre des décisions plus spontanément. Certes, il est de fait que la confiance dispense les protagonistes de vérifier chaque terme de leurs échanges pour s’assurer qu’ils sont fiables et équilibrés. Elle réduit les « coûts de transaction », selon l’expression des économistes. Mais une telle approche reste muette sur l’énergie qui nous fait agir. Avant de nous laisser guider en confiance par les panneaux qui nous informent et nous orientent sur la route, se pose bel et bien la question de savoir à quelles ressources nous puisons l’idée, le projet, le goût de nous engager dans cette voie. Ces ressources sont celles que procure la confiance dans sa dimension de relation. A telle enseigne que la confiance véritable se moque bien que l’horizon soit transparent ou opaque : elle fait confiance, voilà tout !

 

Cette problématique fournit le fil rouge d’une enquête menée dans quatre domaines, dans lesquels les ressources de la confiance semblent permettre de surmonter les difficultés actuelles en puisant à deux sources : notre expérience du passé et la confiance que les autres nous témoignent.

 

La confiance et le management : la performance et la gratitude

 

Ce parcours a pour première étape le monde du travail, parce qu’il est le lieu qui mobilise à titre principal l’activité de nos journées, notre désir d’entreprendre, nos aspirations à reconnaissance, et qu’il contribue ainsi à façonner comportements et modes de pensée.

On est ainsi conduit à s’intéresser aux aspects caractéristiques du management contemporain, à commencer par l’une de ses pratiques les plus structurantes : l’entretien annuel d’évaluation des performances individuelles. C’est lui, en effet, qui, en comparant objectifs et réalisations de l’année écoulée, permet de porter un jugement sur les résultats de l’activité de l’intéressé et, par suite, d’en tirer les conséquences en termes d’évolution de sa rémunération, de formation, de perspectives de carrière, etc.

 

Le parti pris résolu de centrer une telle approche sur les contributions individuelles à la performance collective, à une époque où les interactions et les interdépendances n’ont jamais été aussi présentes et nombreuses, transforme pour partie cet exercice en une fiction. Mais cette fiction est performative. Elle induit des comportements qui tendent à faire d’elle une réalité, que résume l’expression de « culture du résultat ».

En identifiant chacun au degré d’atteinte de ses objectifs, un tel dispositif constitue une machine à trier qui dissout la coopération et les solidarités. En cas de réussite, cela se traduit en effet par un excès de confiance en soi qui entretient l’intéressé dans l’idée qu’il est entièrement méritant et performant, tel cet homme qui se serait fait tout seul et qui ne devrait rien à personne. En cas d’échec, le même dispositif prive des ressources qui permettraient de recommencer à neuf en surmontant les erreurs passées, les doutes actuels et les probables difficultés. Car, assimilés à ses résultats, l’intéressé ne peut s’entendre dire ces mots qui rendent confiance en soi comme en l’avenir : « Tu vaux mieux que tes actes ».

 

A cette double dérive de la culture du résultat, le management peut répliquer en introduisant une dose de gratitude dans les conduites. C’est la gratitude que suscite le sentiment de n’être pas entièrement méritant pour ses propres performances, parce qu’elles tiennent aussi à ce que l’on a reçu : du talent, des conseils, de l’aide, de la confiance, voire de la chance… Une telle posture est celle de l’autorité, qui sait discerner en l’autre, avec confiance, une personne porteuse d’un avenir qui promet.

 

Face au chômage : la rencontre des sentiments

 

Après le monde du travail, il importe de s’intéresser à son envers : la situation des chômeurs, auxquels la confiance serait particulièrement nécessaire pour se frayer une voie vers le retour à l’emploi.

Se présentant à Pôle Emploi le plus souvent dans un état de traumatisme, c’est pourtant une logique de contrôle, bien plus qu’un souci d’accompagnement, qui accueille les chômeurs. Comment, dans ces conditions, retrouver un tant soit peu d’estime de soi ? C’est d’empathie que le demandeur d’emploi aurait besoin, afin de surmonter la culpabilité qui le conduit, entre rage et déprime, et comme si toute chose devait avoir un sens, à voir dans son exclusion une sorte d’abandon secrètement mérité. Mais tel est, semble-t-il, rarement le cas : l’application des procédures et des règles empêche la rencontre des sentiments.

 

Le même évitement se prolonge entre candidat et recruteur, dans la succession des étapes qui jalonnent la confrontation de l’offre et de la demande. La formidable disproportion qui découle de la raréfaction de la première et de la surabondance de la seconde place, en effet, le recruteur devant un prodigieux embarras du choix. Il y répond en se faisant l’interprète d’un imaginaire social simplificateur qui permet d’élaguer dans la masse à coup de critères impersonnels.

Même écho dans un débat politique centré sur « l’inversion de la courbe du chômage », vision statistique qui ne dit mot, non seulement de la condition humaine des chômeurs, mais aussi de la responsabilité collective qui est celle de la société globale.

 

Raviver le sens du vivre-ensemble

 

Les hommes politiques ne sont pas épargnés par la propension au soupçon qui s’est emparée de la société française. Il faut, pour le comprendre, souligner l’interdépendance qui lie les politiques (les réformes) à la politique (la vie politique), à l’aune de l’aspiration au vivre-ensemble qui constitue l’horizon du politique. Qu’est-ce à dire ?

 

Aussi pertinents qu’ils puissent être, les projets annoncés par nos gouvernants ne peuvent rencontrer le succès que pour autant que l’opinion à laquelle ils s’adressent soit animée d’une humeur favorable. Cette humeur un tant soit peu réceptive et confiante, qui participe des conditions du civisme, est elle-même tributaire du climat qui règne dans la société. Dès lors qu’y prévaut la logique du chacun pour soi plutôt que le souci du vivre-ensemble, c’est un sentiment méfiant qui accueille toute mesure politique, jugée dès lors d’un point de vue étriqué, qu’il soit craintif ou cynique.

 

Si une méfiance réciproque s’installe ainsi entre représentants et citoyens au point que la France semble si difficile à gouverner, c’est en partie du fait que les valeurs de compétition l’emportent aujourd’hui sur celles de coopération dans la société. Symétriquement, le spectacle peu édifiant d’une vie politique sans horizon, vouée aux petites phrases et où tous les coups sont permis, n’est pas de nature à remédier à l’incivisme. La réhabilitation de l’échange non-marchand dans la société serait donc à compléter sur ce plan par une représentation plus effective de la société dans la sphère politique. La confiance retrouvée des gouvernés en leurs gouvernants semble passer par un nécessaire élargissement du débat politique afin qu’il se décentre des intrigues de palais pour renouer avec les enjeux du bien commun.

 

A ces conditions, la société française pourrait retrouver confiance en elle-même et, du même mouvement, libérer les ressources lui permettant de porter un regard plus bienveillant sur son propre passé. Raviver le sens du vivre-ensemble peut nous aider, en rétablissant mutuellement la confiance en soi par la réciprocité de l’échange, à discerner les promesses d’avenir de nos accomplissements passés. C’est la réplique aux tentations déclinistes et autres nostalgies pour les grandeurs passées.

 

La sphère médiatique : la vision et la visée

 

Si les journalistes s’attirent, sondage après sondage, la méfiance de Français à l’égal des hommes et des femmes politiques, c’est sans doute parce qu’ils se trouvent confrontés au même dilemme. L’enjeu de la démocratie n’est autre, en effet, que de faire de l’unité avec de la diversité. Et la responsabilité des médias est analogue, puisqu’elle consiste à informer et structurer l’opinion en sorte que la société dialogue avec elle-même. Cela requiert un langage commun qui permette de se comprendre, tout en faisant droit à la diversité des angles de vue et à la pluralité des convictions.

 

Après s’être progressivement émancipée de la « voix de la France » qui caractérisait la télévision publique de l’époque gaullienne, la société française semble osciller à présent entre deux pôles. D’un côté, chacun tweete, blogue et communique dans une sorte de brouhaha incessant où plus personne n’écoute personne. De l’autre, les grands médias mobilisent divers procédés pour « fédérer » les publics, rassembler par l’émotion, établir des vérités : autant de tentatives pour restaurer une forme d’unité. Mais, au total, on assiste à deux formes de violence : celle d’une cacophonie dont on finit par se prémunir par l’inattention et l’indifférence, et celle d’un message qui prétend hâtivement dire le sens commun.

Sans doute reste-t-il à inventer une ou plusieurs manières journalistiques de rendre compte de l’actualité sans que l’émetteur s’insinue subrepticement à la place de l’événement dont il prétend rendre compte, au lieu de s’en faire, plus modestement, le témoin.

 

L’esprit de système

 

Le fil rouge de la confiance qui traverse les contextes évoqués au long de ce parcours nous conduit au constat d’une surestimation bien française de la pertinence de la norme par rapport aux personnes et aux situations auxquelles elle s’applique. Il en va comme d’un esprit de système qui s’attacherait à prévoir et à résoudre d’emblée toutes les hypothèses, faute de faire confiance en la capacité de décider en contexte.

 

L’esprit de système participe d’une conception du temps qui envisage l’avenir comme un aléa contre lequel il faut se prémunir, plutôt que comme une chance à saisir. C’est pourquoi, lorsque la crise fait rage et que l’ancien système apparaît obsolète, la société française se raidit, dans l’attente d’un nouveau système. Mais, en un tel contexte, bien malin qui saurait prévoir ce que sera demain. Alors tout s’immobilise. C’est pourtant d’une sagesse de l’incertitude dont nous avons besoin.

 

C’est ici que la réflexion s’efface pour laisser place aux pratiques. La marche se prouve en marchant. Il nous revient, non de concevoir toutes les articulations d’un nouveau modèle, mais de faire confiance à la confiance, qui saura apporter son liant aux relations et médiations qui tisseront le monde de demain.

 

Pierre-Olivier Monteil, Reprendre confiance, Paris, Editions François Bourin, 2014, 92 pages, 9 euros.

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